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Accommodements raisonnables

Pourquoi le malaise persiste-t-il?

Qui sommes-nous?

Pour Mathieu Bock-Côté, ce n'est pas à la société majoritaire de s'incliner devant les revendications identitaires ou religieuses. C'est au nouvel arrivant de « prendre le pli » de la majorité historique, de la « culture de convergence ». Il ne s'agit pas de nier les droits et libertés. Ils « sont évidemment indispensables. Mais ils ne fondent pas un pacte politique, ils ne fondent pas l'identité nationale », explique-t-il. La société doit pouvoir garder sa « capacité de cohérence ».

Selon lui, les Québécois devraient assumer « sans complexe » leurs 400 ans d'histoire et rejeter la division manichéenne qui oppose l'avant et l'après Révolution tranquille. Cela inclut la « mémoire du catholicisme »,
soit la reconnaissance de l'importance de cette tradition dans notre histoire. « La Révolution tranquille est un authentique moment d'émancipation », dit-il, ajoutant qu'on devrait pouvoir se souhaiter « Joyeux Noël » sans craindre d'offenser qui que ce soit.

« Je ne crois pas que la culture catholique soit un élément identitaire pour les Québécois aujourd'hui, oppose Marie-Michelle Poisson. Le Québec a souffert d'une chape de plomb, d'une mainmise du religieux qui a provoqué une grande misère sociale et psychologique. » Elle donne comme exemples ces enfants nés hors mariage et qui ont dû être donnés en adoption, et la complicité de l'Église et des autorités britanniques lors de la Rébellion des Patriotes de 1837-38. Il ne faut pas « réconcilier » les Québécois avec leur passé catholique, croit-elle; au contraire, il faut terminer l'œuvre de laïcisation de la Révolution tranquille. Elle seule peut garantir une identité conforme aux idéaux de la modernité, à défaut de quoi on risque de voir des motifs religieux orienter les décisions politiques. Une tendance amorcée, à son avis, par les accommodements religieux.

Sébastien-Lebel Grenier rejette cette vision. « Les blessures du passé à l'égard de la religion ne justifient pas l'évacuation de la religion à l'époque actuelle. » Il reconnaît par ailleurs qu'il est extrêmement difficile de définir les « valeurs communes » des Québécois. Même si le Québec fait désormais signer aux immigrants une déclaration devant les informer des valeurs propres au Québec, ces dernières sont essentiellement définies en lien avec les droits fondamentaux garantis dans les chartes. Ces valeurs distinguent-elles les Québécois des autres peuples occidentaux?

La persistance du débat révèle une crise identitaire significative sur le plan sociologique.

«  L'identité québécoise est forgée au coin des droits individuels, souligne Sébastien Lebel-Grenier. Et ces droits font en sorte qu'on valorise au-dessus de tout l'autonomie et la capacité de chacun de prendre des décisions, de faire des choix de vie importants. Cela comprend la liberté de religion et la liberté de s'affranchir d'une option majoritaire. » Il est donc ardu de promouvoir une identité « forte » sans violer ce principe.

Mouvante et en constante évolution : voilà comment il faut approcher l'identité, selon Jamal-Eddine Tadlaoui. C'est un processus dynamique, pas du tout figé dans le temps et l'espace. « Je ne veux pas que ma maison soit faite de murs aveugles et de fenêtres blindées. Je veux que le vent de toutes les cultures y souffle, aussi librement que possible. Mais je refuse de me laisser balayer par elles. » Ces mots de Mahatma Gandhi expriment toute la pensée de Jamal-Eddine Tadlaoui.

Loin de nous aider à clore le débat, la notion d'identité contribue au contraire à le nourrir. Il semble que la société québécoise devra faire de la discussion sur les accommodements un dialogue permanent. Comme les autres sociétés occidentales, elle doit trouver son équilibre dans ces « vents » multiples…